Actualités
LES CORPS EN TENSION
Les rencontres qui relient #2
La deuxième rencontre des lauréats de la Fondation s’est joué en deux temps entre le pianiste Vincent Mussat, primé en 2020, et le souffleur de verre Victor Stokowski, lui lauréat en 2023. Ce dernier fait vivre son atelier avec ses deux frères, Théo et Jimmy. Vincent les a invités tous les trois à le rejoindre autour de son piano pour le concert qu’il donnait à la Scala Paris, célèbre salle parisienne, le 28 mars dernier. Tout en déliant ses doigts sur les touches, il évoquait son parcours de musicien depuis l’enfance.
Lors de ce premier rendez-vous, ils ont furtivement pu mettre en parallèle leur pratique artistique et la pratique du langage comme un moyen d’expression qui s’acquiert pour devenir instinctif et vital, un outil d’expression malléable avec lequel ils jouent. En quittant Vincent, Victor s’exclama « il a appris à jouer du piano comme on apprend à parler ! ».


Quelques semaines plus tard, Vincent s’est rendu à Noyon, dans l’Oise, pour vivre une matinée de production à l’atelier de verre soufflé des frères Stokowski. Ensemble, ils établirent qu’il y a aussi, dans leur manière d’appréhender leur art, une tension corporelle liée à l’instantanéité. Parce qu’il est impossible de refaire, il faut éminemment « être précis dans l’effort » comme l’a noté Vincent. Chaque concert, mais aussi chaque pièce d’exception qui prend forme à 1200° au bout d’une canne, ne pourront être corrigés. Chaque nouvelle tentative est une opportunité d’améliorer la technique, la performance, et peut-être un peu soi-même en repoussant ses propres limites. Mais si la main glisse, si Victor ne saisit pas le moment exact avant le point de rupture, la pièce est perdue.
Tout le long de cette matinée caniculaire au dehors comme au dedans, et au fur et à mesure que les sphères et les cives s’amplifiaient, chacun à sa place ressentit la tension se hisser au bord d’un choc thermique crucial. Les échecs font partie intégrante de ce qui résulte des temps de préparation, d’entraînement et d’expérimentation. Dans l’expression des corps, la précision et la justesse doivent toucher une large palette de langages. Victor et Vincent ont donc appris à dissocier les gestes de leurs mains pour interpréter avec virtuosité, ici le dessin d’un décorateur et là, la musique d’un compositeur.


Pour y parvenir, ils ont mis en place des rituels et des exercices de visualisation : l’un anticipe les notes, l’autre appréhende les gestes. Alors, après que Victor Stokowski eut décrit son hygiène de vie et sa routine matinale pour éveiller son corps, stimuler sa motivation et se donner confiance en pratiquant des exercices de façonnage, Vincent Mussat se sentit mû par une nouvelle impulsion. Se mettre en mouvement sur de longues journées fait partie de l’itinérance du musicien et, cette année, tout le corps accompagnera peut-être le mouvement avant le repos nécessaire.
La prochaine rencontre abordera, a contrario, la nécessité de s’ancrer dans un lieu…
Avec la collaboration de Sandra Furlan.
Voilà, c’est fini ! Vous avez manqué le premier épisode ? Foncez le lire !