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L’ÂME ET LA MATIÈRE VIBRANTES
Les rencontres qui relient #1
Dans le cadre de rencontres interdisciplinaires des lauréats de la Fondation, Thomas Koenig, archetier, lauréat en 2012, s’est rendu à Paris le dernier week-end de mars. La 10ème édition du Salon du Violon et des Instruments et Archets du Quatuor était un prétexte idéal pour organiser la rencontre entre lui et William Amor, artiste plasticien, lauréat 2019.
Dans l’atelier d’ennoblissement de matières abandonnées, à La Villa du Lavoir dans le 10ème arrondissement de Paris, les deux poètes ont croisé leurs regards sur leur savoir-faire, mais surtout sur la vie et le sens qu’ils lui ont donné.
Tous deux ont évoqué avec une grande délicatesse comment leur trajectoire professionnelle est venue nourrir leurs aspirations personnelles. Ils racontent, en résonnance l’un avec l’autre, combien la fabrication de beaux objets leur permet d’apporter du sens à l’acte de création.
Thomas Koenig évoque l’accident qui l’a contraint à relever un nouveau défi : celui de choisir un métier différent de celui par lequel il est entré dans la vie active. En devenant archetier, il a trouvé le moyen d’assouvir son perfectionnisme, sa minutie et sa patience. Lors de la visite d’un atelier de lutherie, ses sens, mis en éveil par les odeurs de vernis, des copeaux de bois et le contact avec les outils, lui ont transmis cette vocation pour l’archeterie. Là réside la performance : proposer un instrument original dans un domaine où la production est considérable depuis deux siècles.
C’est dans la rareté que se retrouvent Thomas et William. Les deux artisans façonnent de petits objets, des pièces fragiles mais à la valeur significative. Ils savent rompre avec les jugements de valeur, chacun à sa manière.


William Amor se joue des productions ratées qui deviendront des prototypes de futures créations. Mais surtout, il façonne des déchets disponibles à profusion pour les sublimer au travers de créations aussi nobles que le permettraient des matériaux précieux. S’adapter à ce dont nous disposons, gérer nos ressources et en tirer des plaisirs fugaces, être aventurier de son métier en le redécouvrant jour après jour : cet après-midi là, les deux lauréats ont philosophé avec toute la sincérité qui les anime le temps d’un thé partagé. Dans leurs regards, une vibration incandescente fait transparaître le souffle qui les a poussé à se remettre en question, à se renouveler et qui les porte vers de nouvelles aspirations.
Thomas réfléchit au rythme à adopter pour ralentir son activité, ne plus fabriquer que 6 archets par an au lieu de 12 et voyager. Même s’il ne renie en rien son côté urbain, appréciant l’effervescence de la ville et ses avantages en termes d’accessibilité, il a envie de faire du ski, d’aller en Casamance, à Essaouira et de repartir en Asie. William, lui, qui se rêvait botaniste, aspire à un retour au vivant, à plus de proximité aux éléments naturels du côté de la Normandie.


Le lendemain, Thomas avait invité William à le rejoindre sur son stand au sein de la Bellevilloise. Dans l’effervescence du salon, ils ont questionné ce qui relevait de l’instinct et de l’acquis maîtrisé dans leur pratique distinctive. Si pour William, 95% de son talent s’exprime au travers de sa sensibilité créative, Thomas est davantage guidé par l’exigence technique de son savoir-faire.
La prochaine édition de ces rencontres questionnera encore davantage ce dialogue entre ce qui s’exprime naturellement dans les personnalités des lauréats et ce qu’ils ont acquis au long cours.
Avec la collaboration de Sandra Furlan.