A l’annonce des premières mesures de confinement liées au Covid 19, Marie Berthouloux est dans une phase intense de création dans son atelier situé rue Faidherbe, Paris 11e. Elle a constitué une équipe de trois personnes pour répondre à des commandes à l’international et principalement pour la préparation d’une exposition prévue en juin. Marie, qui collabore avec le secteur du luxe, propose des prestations sur-mesure dans les domaines de la mode, du design intérieur et de l’art.

Une première échéance était attendue le 1er avril en Italie, puis devaient se succéder des projets à Dubaï et une commande en merchandising de luxe pour la fête des mères pour un parfumeur de niche. Un carnet de commandes diversifié qui faisait suite à un long et patient travail de prospection et à un changement de stratégie de développement qu’elle a habilement opéré depuis un an.

Le premier bilan de l’arrêt brutal du pays lui vaut trois commandes annulées sans report et une grande incertitude pour d’autres. Marie a pourtant acheté de la matière, réalisé des prototypes, préparé des cours et workshops à venir mais l’annulation d’une commande ne prévoit pas de dédit dans un tel contexte et le secteur de l’artisanat d’art n’est pas prioritaire en temps de crise. C’est une première estimation de 30% du chiffre d’affaires qui saute instantanément et deux stagiaires en moins. Constituer une nouvelle équipe n’est hélas pas réalisable avec des stagiaires qui reprendront les cours en mai et pas de moyens pour avoir recours à des freelance.

Il faut néanmoins tenir et honorer des projets plus au lointain, dont notamment la 2e édition du salon AD Matières d’Art en juin 2020 malgré la potentielle annulation du salon.

Cette perspective la mobilise et Marie s’attache à conserver le même dynamisme qu’à l’atelier. De la gestion d’équipe, elle passe cependant à une activité mono tâche sur son métier à broder autour duquel s’affairaient, il y a encore quelques jours, quatre personnes. Une stagiaire qu’elle guide à distance l’aide encore dans ses créations, mais elle reste en sous-effectif pour honorer les délais.
Elle rencontre également un réel problème de place, la toile en préparation est très grande et impossible à démonter. Le risque est aussi de l’abîmer lors du transport jusqu’à l’atelier. Elle fractionne, et réfléchis à des techniques plus efficaces. Elle repense ses gestes, l’utilité de ses choix et fragmente sa réalisation. L’ergonomie dans moins d’espace, le rythme du corps de nouveau seul face au métier à broder sont autant de questions nouvelles que Marie solutionne jour après jour. Elle remobilise son monde intérieur et éloigne ce qui était urgent, comme notamment l’incertitude des locaux et la recherche d’un nouvel atelier. Marie se sent moins sollicitée et plus disponible pour repenser ses gestes et son savoir-faire.

Je me dis que ça ouvre les personnes à une meilleure compréhension de la temporalité lente et attentive de la broderie et de la création ; les clients, les observateurs seront peut-être plus réceptifs à la notion d’ouvrage long après avoir vécu ce temps en latence. 

Marie Berthouloux

Le soutien, elle en donne dans son quartier et en reçoit des Ateliers de Paris qui recherchent activement des solutions d’urgence pour les artisans d’art. La Fondation Banque Populaire dont elle est lauréate est aussi à l’écoute de sa problématique. Lorsque le confinement sera levé, une vidéo de ses futurs projets lui sera financée. Elle ne se sent pas non plus menacée par une pénurie de matières car ses fournisseurs sont exclusivement Made in France. Et puis, le cas échéant, Marie puisera dans ses réserves à l’atelier et questionnera de nouveau ses gestes et son savoir-faire pour s’adapter.

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